Starets Silouane l'Athonite (du Mont Athos)

Deux Lettres

LETTRE AU HIÉROMOINE DIMITRI

Saint Silouane écrit cette lettre en mai 1938,
quatre mois avant son décès. Le destinataire fut probablement
l' anglais David Balfour, moine bénédictin devenu orthodoxe
vers 1932, suite à ses contacts avec le starets Silouane
et le père Sophrony au Mont Athos.

Le Christ est ressuscité !

Cher Père Dimitri, bénissez !

Je vous écris, Révérend Père, ce que j’ai observé, et vous aussi sans doute. Il est bon de se tenir assis dans sa cellule et de " s’instruire dans la loi du Seigneur nuit et jour ", car la grâce enseigne à l’âme comment il faut vivre, et l’esprit se réjouit dans le Seigneur. Les gens qui vous ont invité chez eux n’ont pas connu le Saint-Esprit ; ils trouvent leur plaisir dans le monde ; mais nous, spirituels, nous devons étudier jour et nuit dans nos cellules devant le Seigneur. Dites à celui qui vous invite : " Je vous aime et je vais aller dans ma cellule prier pour vous, c’est mieux ainsi ; je vous remercie cependant de m’avoir invité. "

Le pasteur est un homme qui prie pour le monde entier ; c’est pour cela que le Seigneur l’a choisi. S’il vous arrive parfois de parler avec des gens du monde, parlez-leur de Dieu avec force ; dites que le Seigneur nous aime et nous appelle à lui jour et nuit : " Venez à moi, vous tous qui êtes accablés, et je vous donnerai le repos... " (Mt 11, 28). Quel repos en Dieu ! Si les hommes connaissaient ce repos, ils iraient tous travailler pour Dieu, mais le monde ne connaît pas ce repos et il nous attire à lui : " Venez nous rendre visite... " Mais nous leur dirons : " Nous n’avons pas de temps ; j’ai beaucoup à faire, c’est pourquoi je vous prie de m’excuser. " Mais si vous n’allez pas en visite, les gens vous aimeront et ils recevront de vous une grande aide. Demandez au Seigneur de vous donner le don de la parole – d’écrire et de parler – car le Seigneur aime donner ses dons à celui qui les lui demande pour lui-même et pour le peuple du Seigneur.

Si les hommes savaient combien le Seigneur nous aime, ils y penseraient jour et nuit. Quelles paroles du Seigneur : " Je vais vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu " (Jn 20, 19) ! De quel amour et de quelle bonté sont remplies ces paroles ! Jour et nuit il faut se préparer, humilier son âme pour que le Seigneur l’aime à cause de son humilité. Je suis pauvre en humilité ; le Seigneur m’a donné de connaître l’humilité du Christ, mais mon âme l’a perdue et je la cherche jour et nuit ; je ne l’ai pas encore trouvée, et je vous demande, ainsi qu’à tous ceux qui connaissent l’humilité du Christ, de prier pour moi. Elle est douce et agréable à l’âme ; elle est indescriptible, mais le Saint-Esprit instruit chaque âme qui cherche le Seigneur. Le Seigneur déverse sur nous beaucoup de miséricordes. Je suis malade en mon âme et en mon corps, mais lorsque je serai devenu humble, le Seigneur me guérira grâce à vos saintes prières.

Moine du grand habit Silouane Mai 1938.

Trad. Archimandrite Syméon

LETTRE À CYRILLE G. CHÉVITCH

Le destinataire de cette lettre, le futur archimandrite Serge,
avait écrit au starets Silouane pour lui faire part de son désir
de devenir moine et lui demandant sa bénédiction.
La lettre, écrite quelques jours avant le décès de saint Silouane
le 24 septembre 1938, fût trouvée sur sa table
par le père Sophrony et expédiée par lui.

Réjouis-toi, serviteur du Seigneur Cyrille !

Le Seigneur nous aime, nous qui sommes pécheurs ; il nous appelle à lui : " Venez à moi, vous tous qui êtes chargés, et je vous donnerai le repos " ; et encore : " Je vais vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. " Ces paroles sont miséricordieuses, pleines de joie et d’amour. Donne-nous, Seigneur, l’amour du Seigneur, et à tout Ton peuple sur la terre, de comprendre par le Saint-Esprit l’amour du Seigneur. Seigneur, ramène nos âmes à Toi et guéris-les par le Saint-Esprit pour que nous comprenions comme tu nous aimes, comme tu te réjouis de Ton peuple quand il fait pénitence. tu sais, Seigneur, que les hommes qui travaillent pour Toi sont semblables à Toi ; mais celui qui pèche et ne se repent pas est semblable à l’Ennemi.

Je me réjouis de savoir que le Seigneur vous a donné le repentir et de combattre contre vous-même. Cette lutte est difficile jusqu’à ce que l’âme ait appris l’humilité et à vivre selon la volonté du Seigneur, mais lorsque l’âme aura appris à vivre selon la volonté de Dieu, elle trouvera le repos en lui, et dans l’humilité et l’amour elle s’attachera à lui. Comme on dit : va plus vite ! car tu t’attacheras à lui. Je ne peux pas me détacher de lui, il m’est aimable, il réjouit mon âme, et ainsi chaque homme, s’il comprend par le Saint-Esprit combien le Seigneur nous aime, oubliera, à cause de l’amour de Dieu, tout ce qui est terrestre. Si les peuples connaissaient l’amour de Dieu, ils jetteraient les sciences et s’occuperaient d’une seule pensée : comment apprendre l’humilité du Christ et avec lui et en lui.

O priez pour moi tous les peuples qui connaissez la douceur du Saint-Esprit et l’amour du Seigneur. Je suis malade d’âme et de corps et mon esprit s’élance vers lui, Dieu, sans se rassasier, jour et nuit ; niais je n’ai pas trouvé ce que je désire, mon âme n’a pas encore trouvé l’humilité du Christ dont parle le Seigneur : " Apprenez de moi que je suis doux et humble. " Quand l’âme est humble, elle n’a pas alors de mauvaises pensées, mais l’Esprit de Dieu la réjouit et la dirige pour qu’elle vive selon les commandements du Seigneur.

Je vous écris , mon âme vous a beaucoup aimé. Vous êtes mon frère en Christ que le Seigneur a aimé à cause du repentir. Dites le plus possible aux gens : " Faites pénitence ! "

Moine du grand habit Silouane
Sainte Montagne de l’Athos
[septembre 1938]

Trad. Hiéromoine Jean

Ces textes sont reproduits
dans le livre de Jean-Claude Larchet, saint Silouane de l’Athos
(Cerf, 2001)

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